Les risques environnementaux et leur lien avec le lymphome et le cancer de la vessie chez le chien
On sait depuis longtemps que les polluants environnementaux et les produits chimiques toxiques exposent les personnes à des risques de cancers tels que le lymphome et le cancer de la vessie. Des chercheurs de l’Université du Wisconsin-Madison avancent que les chiens, eux aussi, pourraient courir un risque accru de développer ces cancers lorsqu’ils sont exposés à des polluants et à des produits chimiques nocifs.
Le carcinome urothélial, également appelé carcinome transitionnel, est le type de cancer de la vessie le plus courant chez l’homme et le chien. Chez les personnes atteintes d’un cancer de la vessie, environ la moitié des cas sont dus au tabagisme et environ 20 % sont dus à des expositions sur le lieu de travail. Cependant, la cause pour les 30 % restants n’est pas bien comprise.
Pour les quelque 20 000 chiens qui développent un cancer de la vessie chaque année, la maladie est souvent mortelle. Alors que les chiens et certains humains développent une forme similaire de cancer agressif de la vessie, Lauren A. Trepanier, DVM, Ph. D., DACVIM, DACVCP, membre de la chaire de recherche Melita Grunow Family Professor in Companion Animal Health à l’Université du Wisconsin-Madison, espère que les chiens pourront contribuer au dépistage des risques de cancer chez les deux espèces.
Dans leurs recherches, les chercheurs du Wisconsin ont constaté que les chiens et leurs propriétaires sont tous deux exposés à certaines substances chimiques qui ont été associées au cancer de la vessie chez l’homme. Alors que les chiens en bonne santé présentaient des concentrations urinaires d’acroléine et d’arsenic, des substances chimiques cancérigènes, deux à six fois plus élevées que celles de leurs propriétaires en bonne santé, les niveaux élevés chez les chiens étaient liés à des niveaux relativement élevés de ces mêmes substances chimiques chez leurs propriétaires.
« Les chiens sont plus petits et plus proches du sol, et ils ont tendance à se rouler dans l’herbe et à se toiletter, ce qui pourrait expliquer les niveaux plus élevés chez ces derniers, explique la Dre Trepanier. Le lien entre des niveaux plus élevés de substances chimiques dans l’urine des chiens et de leurs propriétaires suggère une source commune de ces substances chimiques. »
La Dre Trepanier, qui mène actuellement des recherches sur le risque de cancer environnemental chez les chiens, a d’abord étudié les facteurs de risque génétiques et environnementaux associés aux réactions indésirables aux médicaments. « Les mêmes voies qui décomposent les médicaments réactifs décomposent les carcinogènes chimiques réactifs », explique-t-elle. « Mes recherches se concentrent désormais sur la question de savoir si certaines substances chimiques sont associées au cancer de la vessie et au lymphome chez les chiens et si les personnes qui vivent avec des chiens chez qui ces cancers ont été diagnostiqués sont également plus exposées à ces mêmes substances chimiques. Cela peut nous permettre de "signaler" un foyer qui présente des expositions chimiques plus élevées à l’air et aux polluants de l’eau qui contribuent au cancer. L’objectif ultime est de prévenir certaines expositions chez les chiens présentant un risque élevé de développer ces cancers et peut-être de déterminer les expositions chimiques chez leurs propriétaires qui pourraient également être évitées. »
Darin Collins, DMV et PDG de la AKC Canine Health Foundation, qui finance cette recherche, souligne que « les travaux de la Dre Trepanier et de son équipe sont extrêmement intéressants. Nous commençons à dresser un portrait des choix que les propriétaires peuvent faire pour leurs chiens et qui peuvent contribuer à prévenir certains cancers. Cette recherche, qui s’inscrit dans une démarche de santé universelle, vise à sensibiliser le public aux risques de cancer liés à l’environnement et peut avoir une incidence sur les changements apportés au mode de vie. »
La Dre Trepanier a également étudié l’association entre les contaminants présents dans l’eau du robinet et le cancer de la vessie, et entre la pollution de l’air et le lymphome chez les chiens, en particulier chez les boxers, une race prédisposée au lymphome à cellules T, caractérisé par sa grande agressivité. Cette étude a été publiée en mars 2022 dans la revue Veterinary and Comparative Oncology.
En faisant correspondre les adresses des chiens à leurs comtés de résidence, l’équipe a utilisé les données de l’Agence de protection de l’environnement, du National Air Toxics Assessment et de l’Environmental Working Group pour évaluer la proximité des polluants environnementaux. Ils ont constaté que les chiens atteints de cancer de la vessie, par rapport aux chiens non affectés, vivaient dans des comtés où les trihalométhanes totaux (THM) de l’eau du robinet et la pollution de l’air mesurée par l’ozone étaient plus élevés. Quant aux boxers atteints de lymphome, ils vivaient dans des comtés où les niveaux d’ozone et les risques pour la santé humaine liés aux composés organiques volatils (COV), tels que le 1,3-butadiène et le formaldéhyde, étaient plus élevés.
Ces renseignements les aident à comprendre comment l’exposition des chiens à ces contaminants potentiellement cancérigènes est liée à l’incidence du cancer de la vessie et du lymphome. Les inquiétudes concernant ces contaminants sont liées à leurs effets cancérigènes potentiels, décrits ici:
- Les THM sont un groupe de sous-produits issus du chlore et d’autres désinfectants présents dans l’eau potable. On soupçonne ces sous-produits d’augmenter le risque de cancer de la vessie chez l’homme en endommageant l’ADN.
- L’exposition à long terme à l’ozone troposphérique a été associée à des affections respiratoires et cardiovasculaires, y compris le cancer du poumon chez l’homme. Gaz incolore, instable et toxique à l’odeur piquante, surtout connu pour être à l’origine du smog urbain, l’ozone se forme lors de réactions photochimiques entre les COV et les oxydes d’azote (NOx). Les COV proviennent des usines de produits chimiques et d’essence, des peintures à base d’huile, des ateliers de carrosserie et d’imprimerie. Les NOx sont rejetés dans l’air par les centrales électriques, les fours et chaudières industriels et les véhicules à moteur.
- Le 1,3-butadiène est un gaz incolore avec une odeur d’essence qui est utilisé pour fabriquer des produits en caoutchouc synthétique comme les pneus, les résines et les plastiques. L’exposition à de l’eau polluée et de l’air pollué à proximité d’usines de produits chimiques, de plastique ou de caoutchouc, les gaz d’échappement des voitures et la fumée de tabac ont été associés à la leucémie chez l’homme.
- L’exposition prolongée au formaldéhyde, un produit chimique industriel incolore et à l’odeur forte utilisé pour la fabrication du contreplaqué et des panneaux de particules, s’est révélée être à l’origine de divers cancers. L’exposition est due à l’inhalation de formaldéhyde présent dans l’air ou libéré par les produits en bois pressé, la fumée de tabac et les émissions des tuyaux d’échappement des voitures.
« Ces données confirment notre hypothèse selon laquelle les contaminants présents dans l’eau du robinet et les polluants environnementaux en suspension dans l’air peuvent contribuer au risque de cancer de la vessie et de lymphome chez les chiens, affirme la Dre Trepanier. Si nous constatons qu’il s’agit d’une relation directe de causalité, il est possible que les unités de filtration du carbone de l’eau du robinet et des contrôles plus efficaces de la pollution de l’air puissent réduire l’incidence globale de ces cancers chez les chiens et potentiellement chez l’homme. »
Risques de lymphome chez les boxers
Le fait que les boxers, ainsi qu’une douzaine d’autres races, soient plus sensibles au lymphome suggère que le risque de cancer est héréditaire, du moins en partie, bien que les principaux facteurs héréditaires n’aient pas encore été déterminés. Cela suggère une interaction entre les gènes et l’environnement.
La Dre Trepanier, elle-même propriétaire d’un boxer, souhaitait étudier la relation entre le risque génétique et le risque environnemental de lymphome chez cette race. C’est ainsi qu’en 2017, elle a obtenu sa première subvention de l’AKC Canine Health Foundation.
En ce qui concerne les risques environnementaux, la Dre Trepanier explique que « le lymphome canin ressemble au lymphome non hodgkinien (LNH) chez l’homme et a été associé à des produits chimiques présents dans la fumée de tabac, certains produits ménagers, les pesticides, les herbicides, les fongicides et les gaz d’échappement des véhicules ». Le risque de LNH est également accru par des enzymes GST (glutathion S-transférase) défectueuses, qui sont censées décomposer les produits chimiques toxiques dans l’organisme.
« Dans notre étude sur les chiens, nous avons cherché à savoir si des gènes GST défectueux ainsi que l’exposition à certains produits chimiques ménagers et de jardinage étaient associés au lymphome chez les boxers », explique-t-elle. Notre hypothèse était que le risque de lymphome chez les boxers serait accru par des variantes du gène GST à faible activité ainsi que par des expositions plus importantes à des produits chimiques environnementaux. Nous pensions également que nous assisterions à une augmentation des dommages à l’ADN liée à la race au fil du temps.
« Nous n’avons pas observé plus de variantes du gène GST défectueux ou de dommages cumulés à l’ADN plus élevés chez les boxers que chez les autres races. En revanche, nous avons constaté que les boxers atteints de lymphome étaient presque six fois plus susceptibles de vivre à moins de 16 km (10 miles) d’une centrale nucléaire en activité et deux fois plus susceptibles de vivre à moins de 3 km (2 miles) d’un fournisseur de produits chimiques ou d’un crématorium en activité que les boxers non affectés. »
Un article publié en février 2020 dans la revue Journal of Veterinary Internal Medicine a fait état de ces résultats. « Cette étude ne nous a pas permis de savoir si l’exposition aux centrales nucléaires ou aux crématoriums provoquait des lymphomes chez les chiens. Cependant, nous savons qu’il existe un lien, même chez des races comme les boxers qui ont un risque élevé de développer ce cancer », explique-t-elle. Ces mêmes expositions correspondent à des facteurs de risque de lymphome chez l’homme et suggèrent une interaction entre la race et les produits chimiques environnementaux.
Il peut s’agir d’un grand nombre de petites anomalies génétiques qui s’additionnent ou d’une anomalie génétique dans la décomposition des produits chimiques de l’environnement. Ces anomalies ne se manifesteraient pas tant que le chien n’est pas exposé à ces produits chimiques. Nous continuons d’essayer de comprendre ces interactions.
La recherche en cours sur l’exposition aux produits chimiques environnementaux chez les boxers atteints de lymphome comprend une nouvelle étude cas-témoins qui mesure des produits chimiques précis dans l’urine des boxers atteints de cancer et dans celle des boxers non atteints, ainsi que dans l’eau du robinet et dans l’air de la maison. « Nous mesurons les métabolites organiques urinaires des COV tels que le benzène, explique la Dre Trepanier. Cet élément est présent dans l’air pollué, les gaz d’échappement des moteurs diesel et la fumée de cigarette. Il est connu pour être à l’origine de lymphomes et d’autres cancers. Nous espérons en savoir plus sur ses effets sur les chiens. »
Une meilleure compréhension du cancer de la vessie
À l’instar de la recherche sur le lymphome, la recherche en cours de la Dre Trepanier sur le cancer de la vessie chez les chiens porte directement sur les concentrations de produits chimiques dans l’urine ainsi que sur l’exposition aux produits chimiques domestiques dans les cas de cancer de la vessie par rapport à des témoins non affectés. Les chercheurs mesurent les métabolites de l’acroléine et de l’arsenic, tous deux présents dans la pollution atmosphérique, dans l’urine des chiens ainsi que dans la poussière domestique, l’eau du robinet et l’air. Ils mesurent également ces substances chimiques dans l’urine des propriétaires de chiens atteints de cancer de la vessie et les comparent à l’urine des propriétaires de chiens non atteints.
« Nous émettons l’hypothèse qu’un chien atteint d’un cancer de la vessie pourrait signaler une maison où les concentrations de certains produits chimiques sont plus élevées, ce qui pourrait également exposer les personnes vivant sous le même toit », explique la Dre Trepanier.
En réfléchissant à ce qui motive ses recherches, la Dre Trepanier explique: « Nous voulons mieux comprendre les risques environnementaux pour les chiens dont la race est déjà prédisposée au cancer de la vessie ou au lymphome. Nous essayons de recenser ces risques environnementaux parce qu’ils peuvent être corrigés même si le risque hérité de la race du chien ne peut pas l’être. »
La Dre Trepanier se prépare à entamer une autre étude sur les facteurs de risque chimiques du lymphome chez les golden retrievers. « Nous espérons avoir plus de renseignements sur les risques de cancer environnemental chez les boxers et les golden retrievers au cours des deux prochaines années. Nous voulons notamment savoir si des expositions à des produits chimiques particuliers étaient à un niveau suffisamment élevé pour avoir causé des dommages à l’ADN dans les cellules lymphoïdes canines », précise-t-elle.
Les résultats de ces études devraient fournir aux propriétaires des conseils précis, fondés sur des données probantes, sur les moyens de protéger leurs chiens, même ceux dont la race présente un risque élevé, contre ces cancers. Une boîte à outils permettant de détecter les risques chimiques environnementaux qui ne sont souvent pas identifiés à la maison pourrait sauver la vie des gens et des chiens.
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*Résultats de l'enquête Canadian Dog Fancier, Novembre 2023