Un nouveau traitement offre une lueur d’espoir aux chiens présentant un mégaoesophage
Cela faisait 33 ans que l’élevage de Sterling Moffat n’avait pas produit de chiot atteint de mégaoesophage. Cette maladie n’étant pas facile à oublier, elle a tout de suite reconnu les signes cliniques chez un chiot grand danois bleu mâle de cinq semaines de sa portée de 2018.
« Il régurgitait sa nourriture et avait la gorge d’un ouaouaron », raconte Mme Moffat, de Lyme dans le New Hampshire, qui élève des grands danois sous le préfixe Sterling depuis 1973. « Le lait sortait de son nez lorsqu’il tétait. Il ne se développait pas comme les chiots devraient le faire, et sa gorge émettait un étrange bruit de claquement ou d’étouffement. »
Le mégaoesophage est l’un des principaux problèmes de santé chez les grands danois, explique Neil O’Sullivan, Ph. D, coprésident du Comité de santé et de recherche du Great Dane Club of America. Bien qu’aucune statistique ne soit disponible, les grands danois sont cités comme l’une des races les plus souvent touchées par le mégaoesophage congénital dans un sondage mené auprès de propriétaires entre décembre 2014 et mai 2015.
« Comme pour tout caractère héréditaire chez une race présentant une grande diversité génétique, certaines lignées présentent très fréquemment un mégaoesophage, alors que ce n’est jamais le cas dans d’autres Il s’agit d’un défi majeur pour la race, et comme les chiots atteints sont généralement diagnostiqués à l’âge de trois à cinq semaines, le fardeau est lourd pour les éleveurs », explique le Dr O’Sullivan.
Le mégaoesophage congénital idiopathique, qui est généralement diagnostiqué au moment du sevrage, signifie littéralement « un oesophage énorme ». L’oesophage est un tube musculaire long et fin qui transporte les aliments de la bouche à l’estomac. Mais chez les chiots présentant un mégaoesophage, le tube hypertrophié ne se contracte pas normalement, ce qui entrave le transit des aliments. La déglutition dépend de la constriction synchronisée de l’oesophage avec l’ouverture et la fermeture au niveau du sphincter inférieur de l’oesophage (SIO) qui le sépare de l’estomac.
« Le SIO d’un chien normal se détend et s’ouvre en réponse à la déglutition, ce qui augmente la pression dans l’oesophage », explique Jillian Haines, DVM, MS, DACVIM, professeure agrégée de médecine interne des petits animaux à l’université de l’État de Washington. « Chez les chiens avec un mégaoesophage, le SIO ne s’ouvre pas suffisamment pour permettre le passage des aliments de l’oesophage vers l’estomac. »
Par conséquent, les aliments restent coincés dans l’oesophage jusqu’à ce qu’ils soient régurgités. Contrairement aux vomissements, la régurgitation se produit soudainement et sans effort. En général, elle se produit peu de temps après que le chiot a mangé, mais elle peut aussi survenir quelques heures plus tard. Les aliments régurgités ne contiennent pas de bile gastrique, bien qu’ils puissent avoir été partiellement digérés par les enzymes salivaires.
Les chiots atteints de mégaoesophage peuvent pleurer de douleur lorsque l’oesophage s’étire en raison de la présence d’aliments. Ils peuvent également pleurer de faim, car la plupart des aliments qu’ils mangent n’atteignent jamais l’estomac. Le chiot de Mme Moffat, qu’elle a baptisé « Wabi-Sabi » en référence à la philosophie japonaise qui consiste à trouver la beauté dans l’imperfection, souffrait de malnutrition et était plus petit que ses frères et soeurs.
Mme Moffat a emmené Wabi-Sabi chez le vétérinaire, qui a effectué des radiographies barytées de l’oesophage. Le baryum liquide, un composé métallique visible sur les radiographies, apparaît sous la forme d’une boule brillante dans l’estomac des chiots normaux. Chez les chiots avec un mégaoesophage, le baryum peut s’accumuler et former un ballon au niveau du SIO. Chez certains chiots, le baryum s’arrête à mi-chemin dans l’oesophage en raison d’une anomalie des vaisseaux sanguins du coeur connue sous le nom de persistance de l’arc aortique droit. Ces cas nécessitent un traitement chirurgical.
Les radiographies de l’oesophage de Wabi-Sabi ont montré que le baryum s’arrêtait au niveau du SIO, confirmant le diagnostic de mégaoesophage. En l’absence de traitement, les chiots comme Wabi-Sabi meurent souvent de malnutrition ou de pneumonie suite à l’aspiration de nourriture régurgitée. Le pronostic de résorption du mégaoesophage congénital chez les chiots est habituellement de 20 % à 40 %. Si les chiots reçoivent une alimentation et des soins adéquats, certains l’emportent sur la maladie.
Un nouveau traitement pour le mégaoesophage
La prise en charge médicale du mégaoesophage est difficile. Les médicaments qui sont efficaces pour stimuler le mouvement de l’oesophage chez l’homme ne le sont pas chez le chien, car l’oesophage canin est constitué de muscles striés et non de muscles lisses comme chez les humains. De même, les médicaments utilisés pour traiter les reflux acides ou les vomissements ne sont pas efficaces, car ils favorisent la fermeture du SIO.
Les propriétaires de chiots affectés par la maladie doivent nourrir leur chien en position verticale pour que la gravité puisse aider à faire descendre la nourriture. Des chaises d’alimentation spéciales, appelées chaises Bailey, peuvent être adaptées à chaque chien. Après avoir terminé son repas, le chien reste sur la chaise pendant 10 à 20 minutes, même si cela ne suffit pas toujours.
« Chez de nombreux chiens souffrant de mégaoesophage, le SIO ne s’ouvre pas au moment opportun ou de manière suffisante, explique la Dre Haines. Même en se nourrissant en position verticale, les aliments restent coincés dans l’oesophage et sont ensuite régurgités. »
Les éleveurs peuvent choisir de faire euthanasier les chiots atteints plutôt que de les laisser faire face à une survie incertaine. C’est ce que Mme Moffat a fait il y a 33 ans. « J’ai fait pratiquer une nécropsie sur un chiot atteint, explique-t-elle. Son oesophage ressemblait à un sac rempli de nourriture qui occupait toute sa poitrine. »
Mme Moffat espérait qu’un nouveau traitement pourrait potentiellement aider Wabi-Sabi. « J’avais entendu dire qu’il y avait un nouveau traitement et j’ai dit à mon vétérinaire que je voulais essayer le sildénafil (ViagraMD), dit-elle. Elle m’a regardé comme si je venais d’une autre planète. Une fois rentrée à la maison, je lui ai envoyé l’article de recherche. Après s’être renseignée, elle a accepté que nous essayions. »
Publié dans la revue Veterinary Record en avril 2017, un essai clinique réalisé par des chercheurs de l’Université de Parme en Italie a montré que le traitement des chiots par le citrate de sildénafil par voie orale avait réussi. Leur étude a porté sur 21 chiots, dont la majorité était des grands danois, atteints de mégaoesophage congénital.
Âgés de 22 à 45 jours, les chiots ont été répartis au hasard entre un groupe qui recevait deux fois par jour un mélange liquide de sildénafil à raison de 1 milligramme par kilogramme (0,45 milligramme par livre) et un groupe qui recevait un placebo. Tous les chiots ont été maintenus en position verticale pendant les dix minutes suivant chaque repas.
« Nous avons pensé que le sildénafil pourrait être efficace en relaxant le muscle lisse du sphincter inférieur de l’oesophage », explique le chercheur principal Alessandro Menozzi, DMV, Ph. D, professeur associé de pharmacologie et de toxicologie vétérinaires à l’université de Parme. « Cela pourrait faciliter le passage des aliments dans l’estomac et soulager la pression sur la paroi oesophagienne. »
Les résultats furent immédiats. « Le nombre d’épisodes de régurgitation a considérablement diminué chez les chiots du groupe traité au sildénafil après la première dose, explique le Dr Menozzi. Les épisodes de régurgitation ont cessé presque complètement après dix jours d’administration de sildénafil, et aucune rechute n’a été observée jusqu’à un mois après la fin du traitement. Les chiots ne recevant pas de sildénafil ont continué à régurgiter, bien que le taux de régurgitation ait progressivement diminué. »
Les chiots recevant du sildénafil ont également pris beaucoup plus de poids. Les radiographies de leur oesophage prises au début et à la fin de l’étude ont montré que son diamètre s’était considérablement rétréci. En revanche, le diamètre de l’oesophage s’était encore élargi chez les chiots du groupe placebo. Aucun effet secondaire du sildénafil n’a été observé.
« Heureusement, tous les chiots participant à l’étude se sont complètement rétablis après la fin de l’essai clinique et n’ont plus eu besoin d’aucun traitement supplémentaire », affirme le Dr Menozzi. Trente jours après la fin de l’essai, les participants du groupe recevant du sildénafil ne présentaient plus que des épisodes sporadiques de régurgitation et, deux à trois mois plus tard, ils étaient complètement rétablis.
« Le mégaoesophage congénital idiopathique est probablement lié à un retard de développement des neurones contrôlant la motilité de l’oesophage. Les chiots affectés ont donc de bonnes chances de se rétablir complètement avec le temps. Le traitement au sildénafil a pour but d’améliorer les signes cliniques et d’accélérer la guérison. Il réduit également le risque de pneumonie d’inhalation, principale cause de décès de ces chiots en dehors de l’euthanasie. »
Nouvelles perspectives pour les chiots touchés
Contrairement à la réduction des épisodes de régurgitation observée immédiatement chez les chiots traités à l’Université de
Parme, Mme Moffat n’a pas observé de résultats rapides avec Wabi-Sabi. « Cela peut s’expliquer par le fait qu’il a été traité avec un comprimé de sildénafil », précise-t-elle.
« La plus grande variable affectant le succès du sildénafil est sa capacité à pénétrer dans l’estomac pour y être absorbé, explique la Dre Haines. Tout comme la nourriture et l’eau peuvent être retenues dans l’oesophage, les médicaments peuvent l’être également. »
Une étude récente menée dans l’État de Washington (voir le résumé G104) a montré que l’administration de sildénafil liquide à des chiens atteints de mégaoesophage avait donné de bons résultats à court terme. « Nous avons constaté que l’administration de sildénafil liquide dilué dans un volume de cinq millilitres en position verticale, suivie d’un repas, permettait une bonne libération du médicament dans l’estomac », explique la Dre Haines.
« Le sildénafil liquide s’est retrouvé juste au-dessus du SIO ou directement dans l’estomac chez un petit nombre de chiens. Lorsqu’un repas est servi, le SIO se détend pour faire passer le liquide dans l’estomac, mais pas suffisamment pour permettre au repas de passer. Une fois que le sildénafil est dans l’estomac, il peut commencer à agir pour détendre le SIO. »
La Dre Haines affirme que le moment de la prise de la dose est un facteur de réussite. L’étude italienne a utilisé un dosage biquotidien basé sur des études réalisées chez l’homme et le chat. « Les chiens présentant un mégaoesophage peuvent prendre plusieurs repas par jour, précise-t-elle. Le sildénafil ne serait donc efficace que lors de deux de ces repas. »
Après être passé à un mélange liquide de sildénafil et l’avoir administré trois fois par jour juste avant les repas, Mme Moffat a commencé à constater une amélioration chez Wabi-Sabi. « Les régurgitations nocturnes ont continué pendant quelques semaines avant de disparaître, mais les régurgitations diurnes se sont pratiquement arrêtées », dit-elle. « Il a commencé à prendre du poids et, à l’âge de huit semaines et demie, il avait presque rattrapé ses frères et soeurs de la portée. »
À l’âge de quatre mois, Wabi Sabi se portait bien. « Lorsque j’ai eu la certitude qu’il était stable, je l’ai laissé rejoindre un foyer, explique Mme Moffat. À ce moment, il recevait encore du sildénafil et mangeait dans une assiette surélevée. »
Wabi Sabi, désormais baptisé « Cos » (Wabi-Sabi de Sterling v. Bgdawgs), semble en bonne santé. « Sa nouvelle propriétaire lui a fait passer une radiographie à l’âge de sept mois et son oesophage était normal. Elle l’a donc sevré du sildénafil, explique Mme Moffat. Il a passé une radiographie à un an parce qu’il avait mangé une chaussette et son état était toujours normal. Il est maintenant âgé de trois ans et mène une vie normale, sans médicaments ni alimentation particulière. »
Bien que le sildénafil en soit encore aux premiers stades de la recherche, il ne constitue pas un remède miracle pour traiter le mégaoesophage congénital. « Le sildénafil est probablement plus efficace chez les chiens présentant une forme modérée de la maladie et qui retiennent moins les aliments, explique la Dre Haines. Les chiens atteints de la forme grave de la maladie retiennent souvent une grande quantité de nourriture et de liquide dans l’oesophage. Cela empêche le sildénafil d’atteindre l’estomac et donc d’être efficace. Cependant, j’ai constaté une amélioration chez ces chiens lors d’une utilisation à plus long terme. »
La Dre Haines a commencé à s’intéresser au mégaoesophage lorsqu’elle était résidente en médecine vétérinaire et qu’elle a adopté un chien de race mixte atteint de cette affection. « Chaque chien atteint de cette maladie est différent, dit-elle. Ce qui fonctionne pour un peut ne pas fonctionner du tout pour un autre. Les propriétaires doivent collaborer avec leur vétérinaire pour trouver le meilleur traitement pour leur chien. »
Elle préconise également l’optimisme. « De nombreux chiens se rétablissent et vivent pleinement leur vie avec un mégaoesophage. Lors d’un premier diagnostic, les chiens peuvent se sentir au plus mal et il est probable qu’un plan d’alimentation n’ait pas encore été mis au point. J’encourage les propriétaires à rester positifs pendant cette première étape. Avec un peu de temps et des soins constants, l’état du chien s’améliorera avec un peu de chance. »
La Dre Haines est bien placée pour le savoir. « Quand j’ai eu "Cake", nous considérions encore le mégaoesophage comme une condamnation à mort. Je me suis dit que je lui donnerais un foyer affectueux pour ses derniers mois de vie. Mais Cake n’était pas de cet avis. C’était une battante, alors j’ai décidé de me battre avec elle. Tout l’hôpital s’est rallié autour de nous, et Cake s’est épanouie, raconte-t-elle. Cake a vécu huit belles années avec la maladie avant de s’éteindre en 2020 des suites d’un cancer. »
Bien qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur les traitements efficaces pour les chiens atteints de mégaoesophage congénital, le sildénafil offre un espoir prometteur.
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*Résultats de l'enquête Canadian Dog Fancier, Novembre 2023